C’est sans doute un grand malentendu. C’est la conclusion que nous avons tiré avec un nouvel ami, un soir de gentille beuverie, de cuisine (riche) de pays et de discussion sur les musiques dites « actuelles issues de territoires ».
C’était certes un constat un peu amer, et il faut rendre justice aux nombreuses personnes qui, par leur travail acharné et convaincu ont initié la sensibilisation aux cultures minorisées. Les musiques. Les langues. Les cuisines. Les rapports aux corps et aux paysages. Des décennies de militantismes – et en premier lieu, de goût – pour des choses jusqu’ici considérées comme « basses », ont entraîné la constitution d’un solide réseau de passionné.e.s, traversant les frontières pour échanger et découvrir des pratiques micro-culturelles. Disons la bourrée. Une bourrée reconstruite au nord Puy-de-Dôme par exemple.
Donc jusqu’ici ça va, on fait des films pour dire l’universel des ces cultures minorisées, les gens vont au festival, on fait bien la buvette, on est content. Et puis on retourne dans le grand bain, celui où on retrouve « les autres », celles et ceux qui n’ont pas encore connu la chance d’être bouleversée par le céili, la zampogna ou le pâté aux patates. Combien de temps passé à expliquer, à faire écouter et voir ce qu’il y a d’incroyablement puissant dans ces musiques ? Et combien de gens qui adhèrent ? Sans dire que la sauce prend à tout les coups, mais bon, quand on parle avec passion, on génère souvent un minimum d’intérêt.
Pourquoi un malentendu alors ? Le standard reste plus simple à accepter que le surprenant, l’inouïe, l’inconnu, alors pourquoi ça semble fonctionner, les musiques bizarres ? Pourquoi certains squats sont pleins et que les salles officielles peinent souvent à se remplir lors de nos passages ? On se dit que c’est la mode, même si on croit à la qualité de notre travail.
Alors, avec ou sans la mode, avec ou sans les musiques et danses traditionnelles, il faut continuer à expliquer, à autoriser, à s’autoriser la découverte de l’étrange et de l’inédit. Se rappeler à quel point il est difficile de prendre du recul sur nos complexions culturelles, nos goûts et habitudes, forgés par une longue addition de temps et d’affects. Et se souvenir qu’au delà des particularismes culturels, reste à défendre un ensemble de valeurs d’intelligence collective, d’égalité et de dignité.
Louis Jacques