15 juin 2021
Au début du livre de Suzanne Citron, Le mythe national, l’histoire de France revisitée il y a cette citation :
« Le mythe et la mémoire conditionnent l’action. Il est des mythes qui entretiennent la vie. Ils méritent qu’on les interprète pour notre époque. Certains nous égarent et doivent être redéfinis. D’autres sont dangereux et doivent être démythifiés. »
Josef Hayim Yerushalmi, Zakhor, histoire juive et mémoire juive, La Découverte, 1984.
J’ai l’impression que quand on imagine un concert nous puisons dans les mythes qui nous sont vitaux, à la fois ceux qui nous structurent et ceux vers lesquels on est attirés. On a envie aussi de se désensorceler des mythes qui nous oppressent et qui nous empêchent de respirer, de bouger.
Ma plongée dans l’Occitan est certainement liée à la vision mythologique que j’avais des années 1970 à travers la musique de Bob Dylan, Joan Baez, Joni Mitchell… Qui ont influencé le mouvement Revivaliste en France, qui ont permis que des jeunes de l’époque se mettent à collecter.
Catherine Perrier parle bien de cette histoire dans ce podcast de la FAMDT :
https://famdt.com/la-famdt-sort-le-1er-episode-des-podcasts-contretemps
25 juin 2021
J’ai découvert cette vidéo musicale qui est devenue virale aux Etats-Unis dans la communauté africaine-américaine : https://www.youtube.com/watch?v=kc4YOijU57I.
Il me semble que c’est rare d’entendre en France des voix « non-professionnelles » autant travaillées par le chant (à part à la Nuit du Chant de Notre-Dame-des-Landes !).
C’est culturel, nos voix ne se développent pas parce qu’on ne chante pas assez, chantons nom d’un chien !
29 juin 2021
Un bon exemple de comment une contre-culture devient mainstream c’est l’émission de télévision RuPaul’s Drag Race. Douze Drag Queens aux fortes personnalités s’affrontent à travers une série de défis où elles vont démontrer l’étendue de leur « charisme, originalité, sang-froid et talent ».
Je suis sûre que certaines actrices de ce milieu doivent être horrifiées par ce spectacle de télé-réalité entre deux publicités pour de la vodka, où les participantes doivent prôner, avec beaucoup d’humour et d’ironie, les valeurs les plus éculées de l’Amérique. Mais dans chaque culture n’y-a-t-il pas des gardiens radicaux d’un côté et des ambassadeurs de l’autre ? Je suis contente que le succès de cette émission diffuse à grande échelle un aperçu de la culture des ballrooms qui grâce à ça entre dans la culture populaire contemporaine. Même si cela transformera certainement cette culture, je serais curieuse de voir comment.
1er juillet 2021
Quand on y fait attention, il y a aussi des éléments d’emprunt ou d’excentricité dans certains collectages : par exemple, L’Isabeleta, dans Cantaires del Naut-Agenès, chanté par André Vidal collecté par Pèire Boissière. Il prend une voix légèrement bel canto, il n’imite pas mais il prend une manière de chanter qu’il a certainement entendue ailleurs et aimée.
Ou bien dans la Briolée aux Boeufs de 1913 (collectage du Berry, anthologie Frémeaux de Centre-France), le chant est fait de cris aigus, vocalises, vibrato, mots parlés, mots chantés… On n’est pas dans une expression psychologique du chant, et la forme y est complètement hybride.
3 juillet 2021
Pour moi, la rencontre avec le traditionnel n’est pas une rencontre avec l’authentique. C’est plutôt une rencontre avec un territoire d’émancipation, imaginé et désiré. Peut-être faut-il distinguer « le traditionnel » de « la tradition ». Je me demande si la rencontre avec « le traditionnel » ne serait pas un processus subjectif de découverte d’éléments culturels que nous ressentons comme archaïques. Quand je parle de rencontre, cela peut être immédiat ou bien sur un temps long, mais l’enjeu est l’incorporation. Incorporer, une prononciation, un venin de grenouille, une voix collectée, en soi. Et là où il y a rencontre, il y a métabolisation, transformation.
Quelle est la part d’étranger et la part d’autochtone en nous ? Comment ces deux figures dialoguent-elles ? J’avais été touchée par cette phrase de Judith Butler dans une conférence où elle appelait à « résister à tuer ce qui est vivant chez l’Autre ». Cela me parle à la fois d’un rapport à l’oeuvre à l’intérieur de nous-même, mais aussi dans la société des processus de colonisation et d’oppression…
5 juillet 2021
Anecdote de Nicolas Godin de Pagans à propos de comment on perçoit l’ordinaire ou l’extraordinaire autour de nous : « Comme mon ami Lionel le disait au sujet d’une plante carnivore de sa collection qu’il cultivait dans sa véranda :
– en Australie, ils passent la tondeuse dessus ! C’est comme si en Australie, ils cultivaient du chiendent dans une serre ! »
8 juillet 2021
« Des paillettes dans ma vie Kevin ! » : quand est-ce qu’on mélange les chants paysans et le cabaret burlesque ?
Les ballrooms, Grisélidis Réal, Barbara, des performeuses des années 70 comme Adrian Piper https://awarewomenartists.com/artiste/adrian-piper ou Gina Pane, ou bien récemment j’ai découvert la danseuse juive allemande Valeska Gert grâce à la chorégraphe Latifa Laâbissi : https://www.franceculture.fr/emissions/par-les-temps-qui-courent/par-les-temps-qui-courent-emission-du-lundi-03-mai-2021….
Ou même Joseph Beuys, Ana Mendieta ou bien la danseuse et metteuse en scène américaine Ann Liv Young…
J’aimerais bien que ce ne soit pas élitiste de parler d’histoire de l’art. Les mouvements artistiques nous ouvrent des possibles auquel on se met à aspirer quand on les rencontre.
Cette histoire nous manque, ça ne devrait pas être un privilège d’y avoir accès.
11 juillet 2021
Comme l’écrivait Joni Mitchell dans sa chanson merveilleuse Big Yellow Taxi en 1970 :
They paved paradise and put up a parking lot
Ils ont pavé le paradis et fait un parking à la place
With a pink hotel, a boutique, and a swingin’ hot spot
Avec un hôtel rose, une boutique et des balançoires
Don’t it always seem to go
N’avez-vous pas l’impression
That you don’t know what you got ’til it’s gone
Qu’on réalise ce qu’on a seulement quand on ne l’a plus
They paved paradise and put up a parking lot
They took all the trees, and put ’em in a tree museum
Ils ont pris tous les arbres, et les ont mis dans un musée pour arbres
And they charged all the people a dollar and a half just to see them
Et ils ont fait payer aux gens un dollar cinquante juste pour les voir
No, no, no
Don’t it always seem to go
That you don’t know what you got ’til it’s gone
They paved paradise, and put up a parking lot
Hey farmer, farmer, put away that DDT now
Hey fermier, pose cette DDT maintenant
I don’t care about spots on my apples, leave me the birds and the bees
Je me fiche des tâches sur mes pommes, laisse-moi les oiseaux et les abeilles
Don’t it always seem to go
That you don’t know what you got ’til it’s gone
They paved paradise and put up a parking lot
Il s’agit peut-être d’une sorte de propagande pour le sensible, pour le vivant, pour le mouvement, pour les émotions, même si certains musiciens que j’admire comme Martine Altenburger m’ont éclairé sur le fait d’essayer d’écouter les sons sans plaquer mes émotions dessus… À suivre.
Big potons,
_Maud Herrera