Mon premier souvenir lié aux musiques dites « traditionnelles » remonte à un concert du Duo Tras (avec Bernard Combi) en 2007 au festival Jazz à Luz. Un premier aperçu déviant bien loin des polyphonies corses ou du binioù breton qui sont un peu les clichés du genre. C’est aussi à Jazz à Luz que j’ai dû entendre pour la première fois le nom de Laurent Moulédous qui deviendra plus tard le « gourou » d’Hart Brut.
Mais c’est vraiment en 2015 que j’ai commencé à jeter une oreille assidue à cette nouvelle scène « indie trad » ou de « musiques populaires et exigeantes ». Populaire car on y danse souvent, exigeante car sans compromis et généralement novatrice.
Aux Inouïs du Printemps de Bourges 2015, je découvre Super Parquet. En début d’après-midi, devant un parterre de pros, je suis un des rares à danser (avec Alexandre Barthès) pris par cette transe électronique. En 2016, je découvre Sourdure et j’aide à le programmer sur Toulouse le 20 mai à l’Estancabra. Ne pouvant pas être là ce week-end, je le vois à Baignade Interdite en septembre. Et je découvre une nouvelle forme de musique.
Cette même année, m’occupant de la communication de la billetterie Festik, et devant relayer les sorties de nos partenaires, je tombe par hasard sur le trio Cocanha qui doit se produire à la Cave Poésie. Ce qui m’alerte en premier c’est leur photo de presse, où on les voit à l’arrière d’un coffre d’une voiture. On croirait plus un trio de hip-hop que l’image d’un groupe de musique trad. Ça me donne envie d’écouter leur vidéo et je suis totalement subjugué par leurs voix qui s’entremêlent, s’entrechoquent parfaitement sur une rythmique étonnante.
De spectateur, je devins acteur de cette scène en 2017. Je connaissais depuis quelque temps le collectif Hart Brut, le label Pagans et le groupe Artús. Mais je n’avais jamais eu l’occasion de voir en concert ces derniers avant de travailler avec eux. C’est Franck Marquehosse (Moinho, pianiste palois dont je vous invite à écouter les disques) qui nous met en relation pour que je fasse la promo de leur disque « Ors ». Une première rencontre eut lieu en octobre 2016 dans un bar toulousain. Entouré par 8 mecs, je ne faisais pas trop le malin. À un moment, je me serais crû dans un film de Tarantino, où certains gars ne disent pas un mot mais te dévisagent. Avant cette rencontre, j’avais sûrement quelques a priori : est-ce que je vais tomber sur des occitanistes radicaux ? Je sentais aussi leur méfiance car c’est la première fois qu’ils faisaient appel à quelqu’un d’extérieur de leur collectif. À travers deux structures qu’ils ont créées, le groupe Artús s’occupe de manière autonome de toute la chaine de création, de l’enregistrement au booking en passant par le graphisme, l’édition… Une indépendance fascinante, à la fois artisanale et professionnelle. Mais petit à petit, une confiance mutuelle s’installe et le collectif s’ouvre à mes propositions.
C’est enrichissant de travailler avec Artús. Chaque album est un voyage passionnant qui donne envie d’en savoir plus sur leur conception, de suivre avec eux les pas de l’ours, de lire tous les bouquins sur la Pierre Saint-Martin… Bref, ça fait du bien de travailler avec des gens qui ont un rapport à la musique à la fois intellectuel et primaire (brut, tribal et enraciné).
Travailler avec Artús me connecte à la nature, aux Pyrénées, à mes racines béarnaises…
Travailler avec Artús m’a permis de faire la promo d’Aronde, de découvrir D’en Haut, de recroiser la route de Cocanha. Leur second album « Puput » a passé un nouveau cap. Et pour moi « Cotelon » est un des tubes pop de l’année. J’attends aussi avec impatience la sortie de Choc Gazel, croisement entre la guitare brute et de Nicolas Lafourest (Forêt, The And, Cannibales & Vahinés…) et la voix cristalline de Lila Fraysse (Cocanha)…
Tous ces projets musicaux, transversaux et décloisonnant, sont passionnants. Et mon but est de les faire découvrir au plus grand nombre. Que les médias ne parlent plus que de l’aspect musical et oublient leurs clichés sur ces langues, ces pratiques culturelles. Il y a encore du chemin mais je suis confiant car ces jeunes gens modernes, tout en étant bien ancrés dans le présent, ont sûrement un temps d’avance sur nous.
Nicolas Favier
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