Billet d’humeur #22 | 15/03/2019 par Manu Théron

En rentrant du Béarn, après une semaine de tâtonnements bien accompagnés, me reviennent en mémoire les paroles de Jacques Roubaud que j’avais mises en frontispice du premier site web de la compagnie du Lamparo : « la poésie la plus contemporaine doit se défendre de l’effacement par le choix d’un archaïsme ».

Sans y faire attention, on trouverait peu de choses communes entre le Lamparo et Hart Brut, surtout si l’on s’arrête aux apparences esthétiques. Mais si l’on s’intéresse à ce que la posture, le point de vue et le positionnement des artistes des deux compagnies mettent en jeu de l’humain comme du territoire, des musiques comme des disciplines qui les croisent, on s’apercevra que nos productions, pour n’être en rien assimilables, élaborent des poésie réflexives parallèles, les développent et leur donnent toutes deux la saveur du milieu qui les voit naître. Et par chance, nos chemins arpentent des reliefs d’où nous pouvons nous voir et nous en parler, nous rencontrer, comme ce fut le cas cette première semaine de Mars.

Alors que le développement actuel de la Compagnie du Lamparo permet de mettre au jour des projets en gestation depuis longtemps (d’une polyphonie quasi atonale inspirée par la poésie des archaïsmes, aux déferlantes illuminées d’un Karpiénia renouvelé) Hart Brut, et toutes les structures alliées ou parentes creusent des formes toujours nouvelles, qui sollicitent les musiciens dans ce qu’ils ont de plus généreux et de plus intime, de plus rare aussi, sans concéder un empan de leur dignité ou de leur pudeur aux exigences du travail.

Dans une époque qui s’épuise à mettre en scène de l’obscène, nos démarches épanchent d’autres soifs et immergent d’autres territoires que ceux où on les noie habituellement. Nous ne parlons ni de Béarn, ni de Provence, ni même d’Occitanie, nous contribuons à faire sourdre, remuer et surgir ce que l’on nous a toujours forcé à enfouir. Archéologues de nos propres savoirs, en reconstruction et en invention permanente, nous ne plions nos poésies qu’aux muses intangibles des premiers souffles et des premiers mouvements. Ainsi nous donnons vie aussi à ce qui nous anime ensemble, et que des passions régulièrement ravivées fait s’élever sans effort. Les liens tissés au début Mars verront sans doute éclore dans nos deux mondes des formes qu’un univers commun fera immanquablement s’unir, même de façon éphémère. Patience.

Manu Théron – coordination artistique
Cie du LAMPARO

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