« Nous en avons fini avec les révolutions culbuto qui remettent sur leurs pieds ce qu’elles renversent, parce que, ne l’ayant jamais conquise, elles rêvaient de la liberté comme d’un ciel lorsqu’il nous faut apprendre – nous – à la vivre en tant que sol. La révolution, c’est un quotidien qui vibre. »
Tiré de « La Zone du Dehors », roman d’Alain Damasio
Dans imposture, il y a posture.
Posture au sens de tenir une position quitte à la rigidifier mais aussi au sens de faire semblant.
C’est dans ces deux acceptions de la posture que nous assistons à l’imposture que notre gouvernement nous donne à voir dans sa gestion lamentable face à la crise du Covid 19.
L’Etat déploie actuellement des moyens financiers immenses pour faire face à la crise : comme quoi, l’argent magique existe et pourra bientôt devenir un conte populaire que nous raconterons à nos enfants. Mais tout magique qu’il est, l’argent ne fait pas tout. Il n’aide pas à produire plus de masques lorsque nos moyens de les fabriquer ont quasiment disparu de France à force de délocalisations sauvages et qu’on est obligés d’aller les commander en Chine. Il ne fabrique pas plus de blouses pour les mêmes raisons. Il ne se mange pas, n’aide pas à agrandir l’appartement sans balcon que nous peinons à louer et dans lequel nous sommes confinés, n’aide pas à apaiser les peurs muettes de nos enfants, les nôtres propres, face à un avenir flou, ne remplace pas le lien social que nous avons perdu avec les gens qu’on aime, ne remplit pas le vide causé par la perte d’un être cher à qui nous ne pouvons dire adieu que du bout de nos lèvres confinées, elles aussi, derrière un masque.
L’argent coule à flot, cet argent magique que l’on devra rembourser collectivement par plus de labeur et qui se révèle dans sa lumière la plus crue en cette période de confinement : un vulgaire moyen lorsque le capitalisme l’avait hissé en fin, en objectif de vie pour tous. Les idéaux du capitalisme sont tellement étriqués, tristes, tellement pas à la hauteur de ce que l’humain est capable d’être ! L’argent en vulgaire moyen donc, cet argent magique que nous devrons rembourser qui, bien qu’abondant actuellement (dans les poches des moins nécessiteux, évidemment) ne crée pas plus ou pas mieux les éléments nécessaires à pouvoir sortir de chez soi sans avoir l’angoisse de tomber malade. L’argent est un moyen, il ne crée pas : l’humain crée ! Et l’humain dans toute sa splendeur, dans toutes ses vivifiantes capacités, n’est plus au coeur de nos politiques depuis tellement longtemps !
Posture donc rigide de dirigeants rigidifiants, appliquant des politiques mortifères dans l’impréparation la plus totale, des lois d’urgence sanitaires liberticides, nationalisant temporairement à tour de bras des entreprises du capital pour mieux les reprivatiser par la suite. Nationalisation du déficit à court terme pour mieux reprivatiser les bénéfices ensuite : décidément, le monde d’après ressemble à s’y méprendre au monde d’avant en plus cynique, si c’est possible.
Posture de celui qui fait semblant aussi : notre président-chef-de-guerre-qui-dit-qu’on-est-en-guerre, monarque suprême de la 5ème République qui prend ses décisions tout seul dans sa tour d’ivoire depuis le début de son règne, notre président donc, qui feint l’empathie, la confiance en soi, l’assurance d’un avenir meilleur. Notre président qui louange les soignants alors qu’il les fracassait à grands coups de matraques et de LBD dans la rue quelques mois plus tôt, ces soignants qui manifestaient pour défendre la dignité de leur travail, la fragilité de notre système de santé face à des politiques de restrictions budgétaires qui montrent maintenant la vraie portée de leurs nuisances. La portée des nuisances faites au service public, en général ! Il feint être un grand bonhomme, notre président-super-papa-qui-nous-parle-comme-à-des-enfants : mais le costume et le service de com’ ne remplacent pas l’intelligence sensible de l’humain. Et d’intelligence sensible, il n’en a point. Il ferait mieux de prendre quelques cours de théâtre pour pouvoir feindre la compassion, feindre de se soucier du plus fragile d’entre nous, aussi humain que le mur de parpaing dans lequel on se dirige tout droit : l’Espace est moins vide que les idées qu’il défend.
je suis en colère
mais qu’on ne se trompe pas
Je suis en colère de cette colère qui me donne envie de serrer très fort ma famille, mes amis, mon voisin, l’étranger que je ne connais pas, cet Autre qui me montre à quel point je suis différent et à la fois semblable et sentir ce brin d’humanité qui frissonne en el-lui et qui me fait me sentir humain à mon tour.
Je suis en colère de ne pouvoir sentir cet Autre qui est moi, face à moi directement, de le voir, de le toucher, de sentir sa chaleur humaine et entendre le son de sa voix en direct et non plus au travers d’un écran visio.
Je suis en colère face à ces politiques qui ne savent pas ce qu’est être humain et qui prétendent du haut de leur im-posture les diriger !
Ma colère me donne envie de me relier plus, de sentir plus, de humer plus, de ressentir plus, d’être encore plus… Mais certainement pas de travailler plus pour gagner plus !
Le confinement est l’antichambre de la crise à venir : une crise de leur monde, celui qu’ils rêveraient de perpétuer « comme avant »… pas du nôtre où tout est encore possible !
Si comme moi, vous êtes en colère, sortis du confinement, prenons le temps de la laisser mûrir, d’en laisser émerger des idées. Prenons le temps de se serrer les coudes en plus de tousser dedans. Prenons le temps d’imaginer, de se rassembler et de créer un monde d’après taillé à la dimension sans limite de l’être Humain.
A toi qui liras ces lignes, humain, je te le dis : gardons la tête froide et le coeur chaud. Il me tarde de te serrer dans mes bras.
_Matèu Baudoin